Le désordre amoureux : un Chiflet des lettres
Jean-Loup Chiflet déclare sa flamme à la langue française dans un dictionnaire amoureux de plus de 700 pages. Un livre foutraque mais au plaisir communicatif.
Il y manque sans doute un peu d’ordre et de rigueur. De ce qui fait la différence entre le dictionnaire, fût-il amoureux, et le fourre-tout sympathique et subjectif.
Dans son ouvrage, Jean-Loup Chiflet ne cesse de déclarer sa flamme à la langue française. Au risque de s’y brûler parfois. Certaines listes, certains jeux de mots circulent tellement sur Internet que le sel s’en est évaporé. D’autres listes, elles, perdent de leur intérêt tant elles s’étalent sur des pages et des pages : dix sur les nouveaux mots de la Révolution ; vingt-cinq sur les nuances entre mots, alors que l’anecdote placée en exergue les vaut toutes !
Mais passons. Le dictionnaire amoureux de la langue française de Chiflet est riche de plus de 730 pages. C’est dire que ce passionné des mots a l’espace pour se faire plaisir et offrir aux lecteurs ses souvenirs, ses amours et ses anecdotes.
Fleurs de rhétorique
On s’amusera avec les aptonymes — ces noms qui correspondent à la profession de ceux qui les portent : docteur Bargeot, psychiatre ; Paul Amen, prêtre. On se cultivera en découvrant les gentilés (les noms des habitants de communes). On se posera des questions essentielles : d’où vient le mot alphabet ? Quelle différence entre un auteur et un écrivain ? On se délectera d’expressions régionales ; on « montera sur son poironnier », rouge de colère, face au politiquement correct ; on révisera les figures de style, rebaptisées « fleurs de rhétorique », dont la présentation, forcément incomplète, est bien replacée dans le fil de l’histoire de la langue française.
L’autre intérêt de ce dictionnaire personnel et partageur réside dans le panthéon des serviteurs de la langue, que Chiflet ouvre à Balzac, Baudelaire, La Fontaine, Hugo, Racine, Camus, Flaubert, Aragon… Sa passion du français éclate avec talent et générosité. On aime ce dico comme Chiflet aime la langue française : autant « pour ses trésors que pour ses insuffisances et ses défauts ».
Olivier Quelier
Dictionnaire amoureux de la langue française, de Jean-Loup Chiflet, Plon.
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